A quelles discriminations juridiques et sociales la communauté LGBT fait-elle face au quotidien en Suisse? Quelles étapes fédérales reste-t-il à accomplir pour y remédier et atteindre l’égalité juridique et sociale pour les personnes LGBT et les enfants des familles arc-en-ciel? Quels partis politiques et quel.le.s candidat.e.s se mobilisent pour cette égalité ou, au contraire, cherchent à l’entraver?
En vue des élections fédérales, la Fédération genevoise des associations LGBT a fait parvenir un questionnaire à tous et toutes les candidat.e.s genevois.e.s afin qu’ils et elles s’expriment sur plusieurs thèmes touchant la communauté LGBT.
58 candidat.e.s, sur un total de 181, y ont répondu. Les partis y ont différemment participé. Au sein du Parti Bourgeois-Démocratique, 5 candidat.e.s sur 9, soit 55.5%, y ont répondu. Pour le Parti Démocrate-Chrétien, 6 sur 11, soit 54%; pour les Verts, 13 sur 30, soit 43.3%; pour les Vert’libéraux, 3 sur 9, soit 33.3% ; pour le Parti Socialiste, 8 sur 24, soit 33.3%; pour le Mouvement Citoyen Genevois, 5 sur 15, soit 33.3% ; pour Ensemble à Gauche, 12 sur 37, soit 32.4%; pour le Parti Libéral-Radical, 2 sur 12, soit 16.6% et pour l’Union Démocratique du Centre, 2 sur 23, soit 8.6%.
Aucun.e candidat.e de l’Union Démocratique Fédérale ni du Parti Evangélique de Genève n’a répondu au questionnaire. Les deux candidat.e.s sur la liste indépendante « Politique intégrale » y ont répondu les deux.
Loi sur le partenariat enregistré ; ouverture du mariage civil aux couples de même sexe et initiative discriminatoire du PDC qui vise à bloquer la voie à cette ouverture ; lois anti-discriminatoires ; droits des familles arc-en-ciel, des personnes trans* et des réfugié.e.s LGBT : les candidat.e.s qui ont répondu au questionnaire se sont prononcé.e.s sur 6 grandes thématiques liées à l’avancée de l’égalité sociale et juridique des personnes LGBT et des enfants des familles arc-en-ciel.
L’analyse des réponses par parti ou par candidat.e.s a permis de dégager des tendances qui sont à grande majorité favorables à une égalité juridique et sociale. Les six thématiques semblent en effet obtenir un consensus de gauche à droite, à l’exception de l’UDC et du PLR où trop peu de candidat.e.s ont répondu et, et à l’exception des partis tels le PEV et l’UDF. Nous vous invitons à retrouver toutes les réponses directement sur le site internet de la Fédération : https://www.federationlgbt-geneve.ch/federales2015
Ces résultats peuvent être comparés avec les 500 réponses obtenues au niveau national par les associations faîtières et nationales Pink Cross, LOS et Transgender Network au moyen d’un questionnaire envoyé à tous et toutes les candidat.e.s aux élections fédérales. Ainsi, si le PBD, le PS, les Verts et les Vert’libéraux interrogé.e.s au niveau national se positionnent également très favorablement pour l’égalité des personnes LGBT, le PDC est en contradiction avec ses candidat.e.s genevois.e.s. Selon les résultats du questionnaire national, le PDC ne soutient en effet ni l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe, ni l’adoption de l’enfant du/de la partenaire ou l’adoption conjointe. Quant au PLR, il n’est de son côté ni favorable au mariage égalitaire, ni à une loi anti-discriminatoire, ni à l’adoption conjointe ou à la reconnaissance de la persécution liée à l’orientation sexuelle ou l’identité de genre comme juste motif d’asile. Il est plus progressiste cependant que le PDC sur les questions de famille puisqu’il soutient l’adoption de l’enfant du/de la partenaire. L’UDC, lui, n’est favorable à aucune de ces avancées en matière d’égalité. Nous vous invitons à retrouver tous les résultats ici : www.myvoice.lgbt
Le débat « Politiques LGBT : où veut aller la Suisse ? », organisé en partenariat avec l’Institut des Etudes Genre de l’Université de Genève ce mercredi 30 septembre, avait pour but d’approfondir les thématiques abordées par le questionnaire. Animé par Lorena Parini, co-présidente de la Fédération genevoise des associations LGBT et Maître d’enseignement et de recherche à l’Institut des Etudes Genre, le débat a réuni autour de la même table les représentant.e.s suivant.e.s des sections genevoises des partis politiques qui ont répondu à l’invitation de la Fédération :
- Marjorie Blanchet, candidate pour Ensemble à Gauche
- Jérôme Fontana, candidat pour les Vert’libéraux
- Esther Hartmann, candidate pour les Verts
- Anthony Jaria, candidat pour le Parti Bourgeois Démocratique
- Louise Morand, candidate pour le Parti Libéral Radical, JLR
- Véronique Schmied, candidate pour le Parti Démocrate Chrétien
- Manuel Tornare, Conseiller national et candidat pour le Parti Socialiste
Oui global à l’égalité sociale et juridique
Face à un public de plus 100 personnes, les candidat.e.s se sont tous et toutes déclaré en faveur des avancées juridiques et sociales évoquées par le questionnaire: accès à la naturalisation facilitée pour le/la conjoint.e étranger/ère dans un partenariat enregistré Loi sur le partenariat enregistré ; ouverture du mariage civil aux couples de même sexe; lois anti-discriminatoires ; droits des familles arc-en-ciel, des personnes trans* et des réfugié.e.s LGBT.
Manuel Tornare est revenu sur le dépôt de l’initiative parlementaire par Mathias Reynard, Conseiller national valaisan pour le PS. Il a évoqué le fait que Mathias Reynard, suite à son soutien pour cette initiative, a reçu des menaces, allant jusqu’à des menaces de mort, preuve s’il en était, outre les manifestations d’homophobie et de transphobie récurrentes et quotidiennes dans la société, de la nécessité de punir pénalement l’homophobie et la transphobe. Jérôme Fontana a quant à lui évoqué la double peine subie par la victime, celle de l’agression, puis celle de ne pas pouvoir faire punir légalement le caractère homophobe ou transphobie de l’agression. Esther Hartmann, interrogée sur la non-protection légale des enfants élevés dans des familles arc-en-ciel, a rappelé que la Suisse a ratifié la Convention internationale des droits de l’enfant et qu’il est temps pour « notre pays d’admettre qu’une famille homoparentale est une famille à part entière », avec les mêmes droits et les mêmes devoirs, et de la reconnaître comme telle. Louise Morand a évoqué le fait « qu’un enfant ramenant un formulaire d’inscription de l’école constate malheureusement très bien qu’une seule de ses deux mamans ou un seul de ses deux papas peut y figurer », et que cela fait partie des discriminations quotidiennes auxquelles les familles arc-en-ciel ont à faire face. Véronique Schmied a ajouté « qu’un enfant a besoin de la sécurité qu’offre l’amour et l’attention que lui amènent ses parents, qu’importe leur orientation sexuelle ». Anthony Jaria, interrogé sur les discriminations liées au Partenariat enregistré – interdiction d’adopter ; pas d’accès à la naturalisation facilitée pour le/la conjoint.e étranger/ère, a dénoncé le fait qu’actuellement, « les personnes LGBT sont toujours considérées comme des citoyennes de seconde zone, avec une égalité à deux vitesses ». Il a rappelé qu’une ouverture du mariage civil aux couples de même sexe pouvait amener une égalité totale. Jérôme Fontana a quant à lui évoqué l’initiative parlementaire des Vert’libéraux demandant l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe. Marjorie Blanchet a rappelé la nécessité de former les professionnel.le.s accueillant les réfugié.e.s LGBT pour qu’ils et elles ne subissent pas à nouveau de l’homophobie ou de la transphobie et a enjoint les partis politiques à se mobiliser pour faire reconnaître par la Suisse la persécution en raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre comme juste motif d’asile.
Quelques réserves
Interrogé sur le fait que l’initiative de Mathias Reynard n’inclut pas un dispositif anti-discriminatoire lié à l’identité de genre, alors même que les personnes trans* subissent encore d’avantage d’agressions de par leur visibilité, Manuel Tornare a rappelé qu’il y était favorable mais que la politique des petits pas a primé, sous peine de perdre la totalité de l’initiative.
Marjorie Blanchet a rappelé également à Jérôme Fontana que si l’initiative parlementaire des Vert’libéraux demandant l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe était une belle avancée, l’initiative n’amènerait pas un mariage égalitaire avec les mêmes droits et les mêmes devoirs pour les couples de même sexe que pour les couples hétérosexuels puisqu’elle ne se prononce pas sur les questions de filiation ou d’adoption des enfants élevés dans des familles homoparentales.
Une méconnaissance des questions trans* a également émergé lors du débat. Ainsi, la nécessité de prouver pour une personne trans* qu’elle est bien stérile afin de pouvoir obtenir un changement de papier reste largement méconnue des partis politiques et a choqué tous et toutes les candidat.e.s présent.e.s. Les personnes trans*, pour pouvoir entamer une transition, doivent obtenir un feu-vert d’un.e psychiatre, un diagnostic psychiatrique de transsexualisme, qui détermine si oui ou non, elles sont bien éligibles à un parcours de transition. Ceci les livre aux appréciations de psychiatres basées sur des points de vue subjectifs et des critères de diagnostic arbitraires (de ce que doit être un homme et une femme, et de ce à quoi doit correspondre une personne transsexuelle vraie), et donne ainsi aux psychiatres le pouvoir de valider ou non leur identité; et les stigmatise de surcroît d’une pathologie mentale. Le droit à l’auto-détermination, des personnes trans*, sans devoir nécessairement passer par un diagnostic de pathologie mentale par un.e psychiatre, a rencontré quelques résistances parmi certain.e.s des candidat.e.s en répondant au questionnaire. Un témoignage et des clarifications sur les parcours de vie des personnes trans* lors du débat a permis d’amener une perspective moins pathologisante et d’éclaircir ce droit à l’auto-détermination.
Quelles conclusions tirer de cette adhésion très majoritaire des candidat.e.s et des partis qu’ils et elles représentent à l’égalité sociale et juridique des personnes LGBT et des enfants des familles arc-en-ciel ?
Rapidement a ainsi émergé le constat de prises de position, pour les candidates du PDC et du PLR, qui n’allaient pas dans le même sens que leurs partis respectifs.
Véronique Schmied a ainsi déclaré qu’elle ne soutenait pas l’initiative «Pour le couple et la famille – Non à la pénalisation du mariage» de son parti dans la Constitution le mariage comme étant l’union durable entre un homme et une femme. Si elle se dit favorable à l’égalité fiscale telle que mentionnée dans l’initiative, elle n’adhère cependant de loin pas à cette définition conservatrice du mariage et a indiqué qu’elle était favorable à l’ouverture du mariage civil pour les couples de même sexe. Elle a rappelé que l’unité de matière n’était pas respectée par l’initiative.
Louise Morand a de son côté, par ses prises de position pour l’égalité, notamment sur les questions d’adoption et de mariage pour les couples de même sexe, montré que les Jeunes Libéraux-Radicaux ont davantage avancé sur ces questions que le reste du parti. Elle a indiqué que les JLR souhaitent mettre en place une union civile aux couples de même sexe et aux couples hétérosexuels avec les mêmes devoirs et les mêmes droits pour tous et toutes.
Lorena Parini a souligné, en ouverture du débat, l’absence significative du MCG et de l’UDC à la table et le manque de réponses du PLR, de l’UDC, du PEV et de l’UDF, fait tout aussi significatif. L’enjeu, a-t-elle conclu, pour les candidat.e.s présent.e.s au débat et celles et ceux ayant répondu au questionnaire, sera donc de convaincre au sein de leur propre parti, peut-être en allant contre leur position officielle, et concrétiser cette adhésion aux avancées sociales et juridiques par des votes qui y seront favorables. Aux côtés des associations faîtières et nationales LGBT Familles arc-en-ciel, LOS, Pink Cross et Transgender Network, la Fédération genevoise des associations LGBT et ses associations membres ne manqueront pas d’être attentives aux discriminations actuelles et aux éventuels reculs des droits et de contribuer à de nouvelles avancées pour l’égalité des personnes LGBT au niveau fédéral.
Télécharger le communiqué de presse ici.
Pour toute question:
Lorena Parini, co-présidente de la Fédération – 079 662 84 67
Delphine Roux, coordinatrice de la Fédération – 076 437 84 14